Plusieurs sons de cloche…
Les cloches : un signal d’alerte
Au Moyen-Age, le son des cloches rythmaient la vie quotidienne et alertaient les habitants de la menace du feu et du sang. Entre les terribles représailles déclenchées par les seigneurs de Brezons comme la guerre de la Planèze (v.1013-1017), ou plus tard avec le conflit de succession de la vicomté de Murat(1359-1469), les invasions des anglais lors de la guerre de cent ans (1337-1453) ou les incursions des bandes de brigands venus dévaster les villages, les guerres de religion (1540-1598) où là encore, les habitants de la vallée ne furent pas épargnés par les attaques des calvinistes contre Charles de Brezons, lieutenant-général de la Haute Auvergne, farouche défenseur de la Ligue. On a retrouvé en effet autour du Donjon de La Boyle de nombreux boulets de fonte de 18kg.
Autant dire que nos ancêtres étaient rompus, pour ne pas dire coutumiers, des méthodes de survie les plus élémentaires. Très tôt, ils s’organisèrent et installèrent des vigies en haut des montagnes. Dès qu’une menace arrivait, des feux étaient allumés sur les sommets, relayés par les cloches de la vallée qui sonnaient l’alerte. Aussitôt, les hommes en âge de se battre prenaient les armes et le reste des habitants se réfugiaient au château le plus proche. On dit que les attaques étaient tellement fréquentes que le bétail à l’écoute des cloches se réfugiaient de lui-même à l’abri le plus proche.
Au début du XIXe siècle, avec la construction en 1824 d’une chapelle vicariale au Bourguet, on dit aussi que la cloche de la petite église servait de repère au voyageur traversant la tourmente et l’écir (neige et vent empêchant toute orientation), au long des hivers rigoureux.
Les cloches perdues pendant la révolution
Bien plus tard, les révolutionnaires se sont emparés des cloches des églises et des chapelles pour les fondre en canons. Ce fut le cas aussi dans la vallée où l’Église Saint-Hilaire de Brezons dont trois des quatre cloches furent réquisitionnées par le directoire du district. Les cloches de l’Église de Saint-Martin sous Vigouroux subirent le même sort. La chapelle de Sainte-Madeleine de Méjanesserre fut détruite. Une villageoise sauva la statue de la sainte mais l’on perdit à cette époque la trace des deux petites cloches de la chapelle sauvées par un habitant de la vallée… mais qui mourut avant d’en révéler la cachette. En 1844, l’église de Brezons récupéra une seconde cloche offerte par les « parisiens » de Brezons. Un tableau dans le chœur de l’église expose la liste des 32 souscripteurs et se termine par ce vœu pieux : « La cloche doit sonner pour le pauvre comme pour le riche« . Une troisième de 20 quintaux (= 2 tonnes) fut bénite et réinstallée en 1895. La quatrième et dernière cloche arriva en 1898. L’église de St Martin reçut aussi une cloche des parisiens originaires de la commune en 1868 où l’on peut lire « Les pauvres et les riches ont droit à mes services« .
A 45 km de la vallée, à Sarrus, village aujourd’hui rattaché à Fridefont, une légende est née suite aux dévastations des révolutionnaires, celles des Cloches du Gouffre.
La cloche magique de Vigouroux*
A Vigouroux, autrefois, se trouvait au sommet du rocher une chapelle, dédiée à Saint Laurent, avec un clocher à peigne qui abritait deux cloches. La plus grosse d’entre elles avaient un grand renom dans le pays. En effet, elle avait le pouvoir d’écarter les orages dès qu’on la sonnait. Elle avait même le pouvoir de chasser les sorciers; « bien souvent on avait vu ces êtres diaboliques et malfaisants culbutés, mis en fuite par sa vertu toute puissante et disparaissant dans des abimes inconnus »**. En 1793, la chapelle fut saccagée et une partie de son clocher démolit. Toutefois, cette cloche aux étonnants pouvoirs a été remise avec sa sœur dans l’église reconstruite au début du XIXe siècle en haut du village. Cependant, sur ce nouvel emplacement, la cloche aurait perdu de ses pouvoirs.
Sarah Hubert-Marquez