L’ écuyer tranchant, Bertrandon de la Broquière
Article paru dans le N°2 de la revue associative Freaks Corp. en janvier 2010
Même si le nom de la Broquière est associé à d’illustres chevaliers au XIIIe et XIVe siècle, aucune source ne mentionne l’époque où Bertrandon de la Broquière a quitté ses Flandres natales pour faire fortune à la cour de Bourgogne. On le retrouve en 1421 dans les actes officiels de la maison de Bourgogne au titre d‘écuyer tranchant*. Rapidement, Bertrandon de la Broquière semble gagner la confiance du duc Philippe III de Bourgogne. En 1423, devenu premier écuyer tranchant, son suzerain lui offre une pension de 1600 francs par an. Cinq années plus tard par lettres patentes, Philippe le Bon lui offre les châteaux, la ville et la châtellenie du Vieil-Chastel à vie.
En février 1432, il part en voyage en Terres Saintes chargé « de répandre en France des connaissances plus exactes sur l’Orient » mais surtout de rassembler des informations en vu d’une éventuelle croisade. Jehan Ahonnel dans un article des Comptes du 31 décembre 1432 dira de cette mission : « aller plus honnestement en certain lointain voyaige secret ». A son retour, il est couvert d’honneurs. En septembre 1435, Philippe le Bon lui donne « la place, forteresse et tour de Marcigny-les-Nonnains* pour les tenir et garder (…) pour le bien et seureté des pays de Bourgogne sur les frontières duquel se trouve la dite place », ainsi que les fiefs de Châteauneuf et Bois-Sainte-Marie. Bertrandon de la Broquière, devenu conseiller du duc, se voit attribué de nombreuses missions de confiance. Ainsi, pour sceller la paix avec le roi de France Charles VII en 1436, Philippe accepte de devenir le parrain son enfant et envoie Bertrandon offrir des présents à la reine Marie d’Anjou.
En 1442, Philippe III de Bourgogne marie son vassal à une riche héritière de l’Artois, Catherine de Bernieulles, et un an plus tard, Bertrandon reçoit la capitainerie du château de Rupelmonde (Belgique) où il se fixera définitivement. En 1455, après la fête du « Vœu du faisan* », Bertrandon reçoit l’ordre de Philippe le Bon de rédiger le récit de son voyage au Proche-Orient. Deux années plus tard l’ouvrage sera remis au duc lors d’un hommage au livre. Bertrandon de la Broquière décédera à Lille le 9 mai 1459 après 38 ans de loyauté et de services à la maison de Bourgogne.
Longtemps oublié, « le Voyage d’Outremer » de Bertrandon de la Broquière sera redécouvert au début du XIXe siècle et suscitera l’excitation des savants spécialistes de l’histoire et de la géographie des principautés des Balkans. Riche en détails, ce livre donne une analyse de la situation politique des régions visitées car le voyageur, ni pèlerin, ni ambassadeur, se fond dans le paysage. Il s’agit également du dernier témoignage de Constantinople avant sa chute le 29 mai 1453. Bertrandon est aussi le premier à revenir de Jérusalem par la terre.
Sarah Hubert-Marquez
Notes
*En 1306, une ordonnance de Philippe le Bel précise que l’écuyer tranchant avait la garde de l’étendard royal. Le premier écuyer tranchant exerce comme le grand panetier et le grand échasson aux grands repas de cérémonie.
*Actuellement Marcigny en Brionnais
*Le « Vœu du Faisan » est un vœu formulé par Philippe le Bon le 17 février 1454 d’aller délivrer Constantinople prise par les turcs l’année précédente. La tradition païenne voulait que lors d’un banquet, les convives juraient de s’engager sur un animal qu’ils mangeaient ensuite.