Brezons au cœur du conflit de succession de la vicomté de Murat
En 1359, Begon de Murat décède à 74 ans sans héritier mâle… Le pays déjà déchiré par la guerre de Cent Ans (1337-1453) est livré à un deuxième conflit pour la succession de la vicomté de Murat. Cette lutte commence dès 1359 entre son petit fils Guillaume III de Cardaillac* , et ses neveux Pierre et Renaud de Murat**. Cette guerre durera plus de soixante dix ans.
Guillaume III de Cardaillac décide de se ranger du côté du parti anglais et d’engager des mercenaires pour s’emparer par la force de Murat dès 1361. Il s’installe rapidement dans la forteresse sur le rocher de Bonnevie (NDRL : le château de Murat fut démoli sur ordre de Richelieu d’octobre 1633 à avril 1634). Depuis cette base stratégique, pour faire plier les seigneurs avoisinants, il lance des expéditions atroces avec ses routiers partout dans le pays.
La vallée de Brezons n’est pas épargnée ! En effet, Pierre IV de Brezons avait épousé en 1376 Dauphine de Murat, issue de la branche ennemie de Cardaillac. Un des bâtard de sa maison, Mignot de Cardaillac, commandait à une de ces bandes de pillards. En septembre 1363, il s’empara de l’église et du château de Paulhac, et de là, lança des expéditions sur les terres des Brezons à Valuejols.
Alfred Loussert dans son ouvrage « Les seigneurs de Brezons » retranscrit ainsi un extrait du « Mémoire sur la généalogie des vicomtes de Murat » par l’abbé Teillard ; « Les pillards se saisirent du château de Vigouroux où ils commentent mille brigandages, mettant tout à feu et à sang, violant, pillant, ravageant tout, même les terres du seigneur de Brezons et surtout celle de Lacroix-Barrès et de Montpeyroux qui étaient aux cadets des Murat. Ils en firent de même à Albepierre, où ils rasèrent le château.(…) Les habitants de Murat ne furent pas épargnés. (…) L’église de Paulhac fut prise et là furent commis mille viols, meurtres, rançons, et autres crimes exécrables« .
L’évêque de Saint-Flour, Pierre d’Estaing organisa la lutte contre les mercenaires et captura Mignot de Cardaillac qu’il fit pendre avec ses complices.
Guillaume III fut poursuivi pour ses crimes mais avec la bienveillance du duc de Berry, il obtint des lettres de grâce en 1365. Deux ans plus tard, il est une nouvelle fois sauvé par le duc de Berry. Le parlement de Paris l’avait puni d’une amende de 10 000 livres aux frères Murat, de la confiscation de ses biens et de bannissement. En 1371, Guillaume III de Cardaillac trahit les anglais et prêta allégeance au roi de France, Charles V « Le Sage » (1338-1380). Guillaume III mourut en 1372 et son fils Pons 1er de Cardaillac reprit la guerre de succession.
En 1377, Renaud de Murat réussit à reprendre la ville avec l’aide de trois frères bâtards de sa maison pour une courte période. Pons 1er le chasse rapidement et se vengea en crevant les yeux d’un des bâtard de Murat. Renaud de Murat change de stratégie et tente alors de s’adjoindre des mercenaires anglais pour marcher sur Murat mais sans succès.
Refugié à Brezons, Renaud de Murat fut chassé par Remonet de Cardaillac, frère de Pons, vers 1383. Dans la tumulte générale, les habitants de Brezons décidèrent de marchander avec les brigands des Cardaillac. Ils convainquirent le seigneur de Brezons de signer un pacte avec eux… Les brezondins acceptèrent de payer un tribut à la bande de pillards, et en échange, les voyous arrêtaient leurs exactions dans la vallée.
Après des décennies de luttes entre les familles Cardaillac et Murat, et l’appui du parlement de Paris depuis le 13 juin 1384, Renaud de Murat, fils du premier Renaud de Murat, reprend Murat en 1407 après un long siège de la ville.
Et loin d’être apaisé après cette victoire, il décide de se venger des anciens alliés des Cardaillac dont les habitants de Brezons… Une violence particulièrement sordide s’abattit sur le pays et sur le fief historique de la maison des Brezons, d’autant que jusqu’à la fin du XIe siècle, les Brezons étaient les suzerains des Murat ! On raconte alors que les habitants du bourg de Brezons réfugiés dans le château moururent brulé vifs sous les yeux de Renaud de Murat pour punir le fratricide commandité en 1400 par le seigneur de Brezons. Une croix toujours visible commémore cet assassinat à Lidar.
Les habitants de Brezons avaient subi près de 50 ans d’abus en tout genre, et ils s’étaient organiser en conséquence. Ainsi, un ingénieux système de vigies fut mis au point pour prévenir de l’arrivée des bandes de routiers. Pendant cette période de troubles, les brezondins ne cultivaient les terres que par intermittence près des châteaux fortifiés. Les guetteurs prévenaient la population en allumant des feux sur les sommets et les habitants des villages faisaient sonner les cloches. La population habitué aux alertes se réfugiait rapidement au château le plus proche. On dit que les attaques des pillards étaient tellement fréquentes que le bétail à l’écoute des cloches se réfugiaient aussi de lui-même à l’abri le plus proche.
Après tant de ravages et de sang versé, un compromis fut ratifié en 1469… Mais déjà de nombreux habitants avaient immigrés vers des terres plus paisibles. La vallée de Brezons connaitra une paix relative*** pendant un siècle jusqu’au début des guerres de religion vers 1562.
Sarah Hubert-Marquez
*Guillaume III de Cardaillac était le fils unique d’Hélie de Murat, la fille du vicomte Begon de Murat et de Bertrand II de Cardaillac-Varayre.
**Pierre (1325-1395) et Renaud (1330-1404) de Murat étaient les fils du frère de Begon, Guillaume IV de Murat (1290-1367), seigneur de Vigouroux et de Marquise de Pons (1305-?).
*** La vallée de Brezons fut toujours la proie récurrente de bande de voyous du fait de son isolement.
Bibliographie:
LOUSSERT Alfred, « Les seigneurs de Brezons », 1994.