Jean-Pierre Favard : Un auteur en pleine ascension !
Interview publiée sur le site d’information locale infos-dijon.com le 24/06/2012.
Originaire de la Nièvre, c’est avec la nouvelle « L’homme canon » primé au concours de nouvelles de Talant en 2001, que Jean-Pierre Favard s’est fait connaître du public dijonnais. Deux ans plus tard, le premier volume de sa trilogie alchimique « La Commission des 25 » est plébiscité par les lecteurs… les deux volumes suivants les tiendront en haleine jusqu’en 2007. Sur la même lancée, son quatrième roman « La seconde mort de Camille Millien » connaîtra le même succès et fera de l’auteur bourguignon un spécialiste de polars ésotériques. En juillet 2009, grâce au festival des littératures de l’imaginaire « L’écrit de la fée » à Dijon, Jean-Pierre Favard rencontre son éditeur Philippe Gindre. Une collaboration efficace, puisque son dernier roman, « Sex, drugs & Rock’n’Dole » publié à La Clef d’Argent a reçu le Prix Coup de Coeur 2011 de l’Amicale de la Presse Jurassienne.
Le mois dernier son premier recueil de nouvelles « Belle est la bête » à La Clef d’Argent et « Le Destin des morts » aux Editions Lokomodo paraissent avec d’ores et déjà un bon accueil des critiques littéraires. En dédicace à Ciel Rouge, hier après midi, nous avons voulu en savoir davantage sur cet auteur qui devient incontournable. Dijonnais d’adoption, Jean-Pierre Favard travaille à la fonction publique territoriale. Pour notre plus grand plaisir, il a répondu à nos questions avec simplicité et une bonne dose d’humour.
S.H-M : Vos cinq romans sont richement documentés avec de nombreuses références et une bibliographie très dense. Alors une vraie passion pour l’Histoire ?
Jean-Pierre Favard : J’aime jouer avec les mots pour inventer des histoires, mais également avec les sentiments que la lecture de mes textes pourra provoquer chez le lecteur (ou la lectrice évidemment). Le but étant que quelqu’un d’un peu curieux, qui se trouverait désarçonné par ce qu’il découvre, aille jusqu’au bout de la démarche et fasse à son tour des recherches… avec Internet, c’est assez facile ! Pour s’apercevoir qu’au final, tout ce qui est raconté est vrai… à part l’intrigue qui, elle, reste romancée. Je pense que cela peut donner plus de profondeur à une fiction et apporter ce petit frisson dans le dos supplémentaire que je recherche aussi, mais en tant que lecteur cette fois. Après, bien sûr, toutes les histoires ne se prêtent pas à ce « petit jeu ».
La trilogie alchimique, « La commission des 25 », qui se passe en Bourgogne, est actuellement épuisée mais ressortira en un seul volume au début de l’année 2013 aux éditions Lokomodo sous le titre « L’Asch Mezareph », est le meilleur exemple de ce genre de construction. Tous les évènements historiques qui y sont relatés sont exacts, seul le lien tissé entre eux est imaginaire. Le but est de faire en sorte que l’on puisse y croire et qu’au final, on ne puisse s’empêcher de se demander : « pourquoi pas ? »… d’autant qu’il est question d’ésotérisme, de société secrètes et d’alchimie, des sujets qui ont plutôt tendance à enflammer l’imagination et susciter la curiosité ! Pour moi, l’un des intérêts de l’écriture réside justement dans la phase de préparation, de recherches. Quand on ignore encore où on va aller et que les découvertes que l’on fait guident l’écriture jusqu’à ce que cela devienne évident, cohérent. Et surtout vraisemblable. Alors oui, une vraie passion pour l’Histoire et la volonté de partager certains événements, sans doute moins connus mais non moins importants que ceux qui remplissent les livres disons… plus institutionnels.
S.H-M : En lisant vos ouvrages, on s’aperçoit très vite que vous vous inspirez des lieux que vous côtoyez comme décor central… un peu comme un enfant s’empare d’un territoire pour créer son terrain de jeux. Alors l’écriture est-il un bon moyen de conserver son âme d’enfant ?
Jean-Pierre Favard : Oui, c’est vrai. Mais c’est totalement involontaire. En fait, comme le disait je ne sais plus qui, on ne parle bien que de ce que l’on connaît. Faire de son environnement le décor d’une histoire est donc à ranger dans le domaine de la facilité… ça c’est fait, venons-en au cœur du récit à présent ! En revanche, cela a un effet pervers car très rapidement on a tendance à vous classer parmi les écrivains « régionalistes » ce qui, selon moi, est assez réducteur… voire, pour beaucoup, péjoratif ! Car après tout, il faut bien qu’une histoire se déroule quelque part ! Certains décident de créer des mondes imaginaires ou de placer leurs intrigues dans de grandes villes connues de tous, si ce n’est en vrai, du moins par le biais du cinéma (Paris, New York, Los Angeles etc.), moi, je suis plus à l’aise dans des endroits que je connais. Quant à trouver un moyen de conserver son âme d’enfant par l’écriture, non seulement je suis d’accord mais je le revendique haut et fort. Et avec fierté.
S.H-M : Vous travaillez à Dijon tous les jours… Alors pourquoi n’avoir pas encore écrit un ouvrage sur la Cité des ducs ?
Jean-Pierre Favard : Dans le second volume de « La Commission des 25 », intitulé « Le coffret d’Essarois », du nom d’une petite commune de Côte-d’Or, une partie de l’intrigue se déroule à Dijon. De là à écrire tout un livre qui se passerait ici, pourquoi pas ? L’histoire locale, pour revenir à votre première question, est suffisamment riche pour m’inspirer. Mais ça ne s’est pas encore fait. Ce qui ne veut pas dire que ça ne se fera jamais. Disons que c’est une possibilité qui n’est pas exclue mais pas incontournable non plus. Nous verrons bien.
S.H-M : Il y a souvent des passages très drôles dans vos textes, est-ce une volonté de votre part pour que les lecteurs s’amusent autant que vous ou un trait de personnalité qui vous caractérise ?
Jean-Pierre Favard : Alors là… un trait de personnalité sans doute. Tout dépend, une fois de plus, du contexte de l’histoire qui est en train de se dérouler. Parfois, dans un récit « stressant »…les premiers retours que j’ai du recueil, « Le destin des morts », qui se passe pour sa part dans le Morvan, font en général remonter ce qualificatif, l’introduction d’une certaine dose d’humour dans les moments clefs peut permettre au lecteur de « souffler » un peu, et à l’auteur de cueillir le lecteur avec la scène suivante, car, comme chacun le sait, l’auteur est un petit coquin ! Dans « Sex, drugs & Rock’n’Dole » qui, comme son titre l’indique, parle de Rock et se situe à Dole, dans le Jura, l’humour est plus présent. Comme pour la nouvelle, « La comète de Harley » publiée dans le recueil « Belle est la bête »… ça commence à faire beaucoup de jeux de mots je m’aperçois… donc oui, en fait, je pense que vous m’avez démasqué. Il s’agit bien là d’un trait de ma personnalité ! Une chose est sûre en tout cas, je ne fais pas partie de ces auteurs torturés qui voient dans l’écriture matière à catharsis. Je prends plaisir à ce que je fais et j’espère en donner à ceux et celles qui me lisent. Mes livres n’ont pas d’autre but que celui-là…et c’est déjà beaucoup à mon avis !
S.H-M : Dans votre recueil de nouvelles intitulé « Belle est le bête » (NDRL : un clin d’œil au conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont), pourquoi avoir choisi la créature comme vraie héroïne plutôt que la Belle ?
Jean-Pierre Favard : Mais parce que la belle EST la bête. Non, plus sérieusement, ce recueil regroupe des textes très différents, dans le fond comme dans la forme. Je suis, en tant que lecteur, un grand consommateur de recueils de nouvelles, un genre qui n’a pas, en France, le même retentissement auprès du public que dans les pays Anglo-Saxons par exemple… même si Maupassant est toujours largement étudié et commenté ! La nouvelle est un genre à part entière, tout aussi exigeant que le roman, peut-être même plus car il faut, en un nombre réduit de pages, planter le décor, les personnages et l’intrigue tout en garantissant une fin qui surprenne. Chacune des nouvelles de ce recueil reprend le thème de la bête, quelque soit sa forme et son acceptation : la bête animale, microbe, la bêtise humaine, la bête sanguinaire ou celle venue d’un autre monde pour envahir la terre ! Et puis, pour moi comme pour beaucoup, la beauté se trouve avant tout dans les failles, la part « d’anormalité » que l’on a tous en nous, de façon plus ou moins prononcée. La belle peut être lisse et sans saveur, la bête, elle, est forcément rugueuse et pleine d’aspérités. Donc beaucoup plus intéressante au final.
S.H-M : Toujours dans ce recueil : vous vous amusez avec les genres et les ambiances. Le lecteur passe du fantastique classique, à la science-fiction puis à l’horreur… pourquoi cette variété ?
Jean-Pierre Favard : Pour que les lecteur(trice)s soient désarçonné(e)s. Qu’ils ne sachent jamais où ils vont poser les pieds. Que chaque nouvelle histoire soit un moment à part entière. Écrire un recueil sur le même thème peut-être, à la longue, ennuyeux. Varier les contextes mais aussi les styles, voilà qui est plus intéressant. Comme vous le disiez vous même : c’est le résultat de cette volonté de faire en sorte que les lecteurs s’amusent autant que moi, et avec moi !
S.H-M : D’ailleurs, on vous présente souvent comme un auteur de thrillers. Comment vous définiriez vous ?
Qui a dit ça ? Non, pas de thrillers… ou juste parce qu’il y a du suspense dans certaines de mes histoires. En fait, la meilleure définition que l’on ait trouvé, et qui me convient parfaitement, émane du titre même de la collection des éditions La Clef d’Argent au sein de laquelle a été publié mon roman « Sex, drugs & Rock’n’Dole » : « Collection FiKhThOn, romans étranges et fantastiques, insolites et inclassables » Je pense que c’est ce qui résume le mieux ce que je fais, ou tente de faire, ou souhaite faire ! En tous cas, c’est l’étiquette que j’aimerai me voir coller… s’il faut absolument m’en coller une !
S.H-M : Après « Sex, drugs & Rock’n’Dole » et le groupe de métal Thelema, on découvre un autre groupe de Rock dans une maison hantée, perdue dans le Morvan, dans « Le Destin des Morts ». Quels groupes vous ont inspiré ?
Jean-Pierre Favard : Houlaa ! Alors là… Disons que pour Thelema, je me suis davantage inspiré de la scène métal et gothique pour l’aspect sulfureux et bruyant. A un moment, Bernie, le batteur, qui est un des personnages que l’on suit dans le roman, s’apprête à monter sur scène dans une tenue qui n’est pas sans rappeler celles qu’arborent les membres du groupe Kiss, maquillage compris, en l’occurrence, une étoile sur l’œil, donc Paul Stanley ! Son prénom lui même peut renvoyer à Trust. Je cite également les paroles d’une chanson d’un vieux groupe punk de Besançon… qui a réellement existé, la preuve, je les ai vus ! Désert Culturel. Je dois aussi citer Metallica parce que je cite toujours Metallica et ne me demandez pas pourquoi !!! Sinon, pour l’anecdote, les deux groupes que vous évoquez ont un rapport étroit avec le mage anglais Aleister Crowley, que les amateurs de fantastique connaissent bien. Thelema, en hommage à l’abbaye de Thélème, une cité utopique créée par Rabelais et reprise par Crowley dans son Livre de la Loi, et Boleskine qui était le nom de la demeure de Crowley, située près du Loch Ness, celle-là même qu’a racheté, au début des années 70, Jimmy Page, le guitariste des mythiques Led Zeppelin et grand amateur d’ésotérisme s’il en est… D’ailleurs le clin d’œil à Led Zep est appuyé puisque dans une scène, les protagonistes écoutent un de leurs albums… ce qui n’est pas le fruit du hasard bien entendu !
S.H-M : Après la diversité des styles dans le recueil de nouvelles « Belle est la Bête », vous jouez dans « Le Destin des Morts » avec les formats littéraires passant de la micro-nouvelle au roman… Doit-on y voir une volonté de ne pas être enfermé dans une étiquette ou tout simplement une inspiration effervescente ?
Jean-Pierre Favard : Les deux ma capitaine ! « Belle est la bête » joue sur différents registres, comme vous l’avez indiqué, « Le destin des morts », lui, s’articule autour du thème de la maison hantée. Mais là encore, j’ai voulu prendre à contre-pied les clichés habituels du genre. Et faire une nouvelle, une novella, un roman et une micro-nouvelle m’a semblé un intéressant exercice de styles. J’aime jouer, vous l’aurez compris. Alors disons qu’il s’agissait là des nouvelles règles que je m’étais fixées… une sorte d’Oulipo à la sauce fantastique ! Et comme pour la trilogie alchimique, ce travail a donné lieu à des recherches mais cette fois, je me suis plus appuyé sur le légendaire que sur l’histoire local… encore que les deux soient souvent liés ! En l’occurrence, des légendes du Morvan, région dont je suis originaire.
S.H-M : Enfin que diriez-vous à nos lecteurs pour leur donner envie de vous découvrir ?
Jean-Pierre Favard : Lisez moi, promis ça ne vous fera pas mal… encore que…
Propos recueillis par
Sarah Hubert-Marquez
Pour en savoir plus sur :
« Sex, Drugs & Rock’n’Dole » : http://clefargent.free.fr/rnd.php
« Belle est la bête » : http://clefargent.free.fr/belb.php