Le tueur des bergers
Une éducation mystique
Joseph Vacher est né le 16 novembre 1869 à Beaufort (Isère). Il est le 14e enfant d’un couple d’honnêtes cultivateurs. A un mois, il aurait étranglé son frère jumeau. Sa mère était très croyante et sujette à des visions. Elle éleva ses enfants dans la piété et la superstition. Très violent pendant son enfance, Joseph torture les animaux, frappe ses frères, ses sœurs et ses camarades de classe. La mort de sa mère, alors qu’il avait 14 ans marque le début de sa folie meurtrière. Un an plus tard, le 18 juillet 1884, on retrouve le corps du petit Joseph Amieux (9 ans) étranglé dans un grange à Eclose (Isère). Des témoins mentionnent un vagabond d’une quinzaine d’années. Il s’agit certainement de son premier meurtre.
Sa sœur lui trouve un travail chez les Frères Maristes de St-Genis- Laval (Rhône) où il sera rapidement licencié en octobre 1887 pour avoir masturbé ses camarades. En juin 1888, Joseph tente d’abuser de Marcellin Bourde un valet de ferme à Beaufort, où il travaillait à la coupe des foins. A la fin du mois, on retrouve le corps d’une femme inconnue décapitée et violée dans le bois de Joux. En juillet, à Chamberac (Haute Loire), c’est celui de Clémence Grangeon (14 ans).
En septembre, Joseph Vacher est serveur dans une brasserie. de Grenoble. Il fréquente alors les prostituées et contracte la syphilis. Il subira à Lyon une intervention chirurgicale qui l’amputera d’une partie d’un testicule. Traumatisé par cette castration à 19 ans, Joseph part en convalescence chez un de ses frères à Genève où il lui confessera « Je suis comme obsédé. Si je rencontrais quelqu’un, je crois que je ne pourrais pas m’empêcher de lui faire du mal ». Il repart à Lyon et trouve des petits boulots. Là, il découvre avec passion les idées des anarchistes. Entre juin et septembre 1890, les corps de Augustine Perrin (23 ans) et d’Olympe Buisson (9 ans) à Varacieux (Isère) sont retrouvés.
Une carrière militaire prometteuse
Enfin, le 16 novembre 1890, il est incorporé au 60e régiment d’infanterie de Besançon (Doubs). Là, il devient victime et subit les bizutages des soldats plus anciens. Pourtant, Vacher est motivé et souhaite monter en grade. Les sergents instructeurs le jugeront « Inapte au commandement ». Joseph Vacher tentera de se suicider en se tranchant la gorge persuadé d’être victime d’une conspiration. Le chantage marchera puisqu’il sera nommé caporal puis sergent.
En pleine ascension militaire en 1891, Joseph tombe fou amoureux de Louise Barrand, une jeune domestique. Mais l’amourette prend fin quand Louise tombe dans les bras d’un autre soldat. Fou de rage ,rejeté, Joseph Vacher humilié tente de la tuer puis retourne l’arme contre lui en juin 1893. Gravement blessé à la tête, il est interné à l’hôpital psychiatrique de Dole le 16 juin puis, à partir du 21 décembre, à l’asile de St Robert dans l’Isére. Il gardera des séquelles avec une paralysie faciale du côté droit et une otite suppurée.
Le parcours meurtrier entre 1894 et 1897.
Déclaré guéri, il sort le 1er avril 1894, libre de tuer à nouveau. Joseph Vacher sillonne les régions laissant derrière lui des scènes d’une extrême barbarie. Pour déjouer les enquêteurs, il marche près de 60 km par jour. Un grand nombre de ses victimes sont de jeunes bergers et bergères. Joseph Vacher n’a pas de mode opératoire véritablement fixé , il agit par pulsions, mais sur la plupart des victimes, il grave avec son couteau une croix sur leur poitrine. Généralement il commence par étrangler ou égorger ses victimes avant de les torturer. Les organes génitaux des victimes sont mutilés. L’éventration et le viol des dépouilles post mortem sont les signatures des meurtres de Joseph Vacher.
- Eugénie Delhomme est retrouvée assassinée à Beaurepaire (Isère), le 19 mai 1894.
- Louise Marcel (13 ans) à Vidauban dans le Var, le 20 novembre 1894.
- Augustine-Adèle Mortureux (17 ans) à Etaules en Côte d’Or ,le 12 mai 1895.
- Madame Morand (58 ans) à St Ours en Savoie, le 24 Août 1895.
- Victor Portalier (16 ans) à Bénonces dans l’Ain e 1er septembre 1895, le rapport médico-légal choque par sa violence : « les anses intestinales sortent par une vaste plaie, de l’extrémité inférieure du sternum au pubis. C’est une éventration complète. Les parties sexuelles ont été enlevées avec un instrument tranchant. Au cou, nous observons trois plaies […]. La troisième plaie du cou est très profonde et a été portée avec beaucoup de violence ».
- Aline Alaise (16 ans) à Truinas dans la Drôme, le 23 septembre 1895.
- Pierre Massot-Pellet (14 ans) à St Etienne de Boulogne en Ardèche, le 29 septembre 1895. Arrêté à Baugé (Maine-et-Loire) pour coups et blessures, il fera un séjour d’un mois en prison.
- Marie Moussier-Lorut (19 ans) à Busset dans l’Allier, le 10 septembre 1896.
- Roseline Rodier (14 ans) à St Honorat en Haute-Loire, le 1er octobre 1896.
- Adrienne Reuillard (9 ans) dans les Vosges, le 18 mars 1897.
- Claudius Beaupied (14 ans) à Tassin fin mai 1897.
- Pierre Laurent (13 ans) à Courzieu dans le Rhône, le 18 juin 1897.
- une sexagènaire décapitée à Coux, le 24 juillet 1897.
« Le Juge et l’Assassin »
* En référence au film de Bertrand Tavernier de 1976 dans lequel Michel Galabru joue le rôle de Joseph Bouvier.
C’est le juge Emile Fourquet qui fait rouvrir les dossiers de meurtres. Une trentaine d’affaires comportent des éléments communs, le magistrat est certain d’avoir à faire à un seul homme responsable de ces homicides. La machine judiciaire est alors lancée et la presse s’empare du sujet. On le surnomme alors « Le Jack l’éventreur du sud-est ».
En 1897, Vacher est arrêté pour avoir tenté de violer une fermière. Il est condamné à 3 mois de prison pour « outrage aux bonnes mœurs ». Le médecin de la prison de Belley déclare alors dans un rapport : « Vacher est atteint de débilité mentale, d’idées fixes voisines des idées de persécution, de dégoût profond pour la vie régulière». A sa sortie le juge Fourquet souhaite l’entendre, Joseph est amené à Belley par deux gendarmes. Le magistrat affirme vouloir écrire un livre sur les vagabonds et vouloir écouter l’histoire de Joseph. Pris au jeu, celui-ci raconte son périple et avoue rapidement 20 meurtres (sauf celui de la petite Olympe Buisson de 1890) en échange de la promesse de faire paraître une lettre dans la presse.
Extraits :
« Je suis un pauvre malade innocent, dont Dieu a voulu se servir pour faire réfléchir le monde, dans un but que nul humain n’a le droit de sonder. »
« Il y a des moments où je n’étais pas maître de moi, et où je courrais comme un fou à travers le monde, droit devant moi, me guidant sur le soleil, et ne sachant où j’ai erré. Ce n’est pas ma faute si on m’a empoisonné le sang ».
« J’ai mené une vie errante, rôdant de ferme en ferme. J’ai mutilé, violé, tué au gré des rencontres et de la colère que je sentais monter en moi. Je préférais tuer des femmes parce qu’elles pleuraient et criaient davantage, ce qui m’excitait. […] Après les avoir estourbies, j’éprouvais un grand soulagement, ça me calmait pour quinze jours au moins ».
Le 26 octobre 1898 s’ouvre le procès de Joseph Vacher à Bourg en Bresse. Il fait une entrée fracassante au tribunal en chantant « Gloire à Jésus ! Gloire à Jeanne d’Arc ! » et en arborant une pancarte qui disait « J’ai deux balles dans la tête ». Il sera condamné à mort. Le 31 décembre 1898, il est guillotiné par le bourreau dijonnais Louis Deibler. Avant de mourir, il dira : « C’est moi l’éventreur, regardez-moi bien. Je n’en veux pas aux juges mais à ceux qui m’ont martyrisé à la maison de fous de Dôle. Qu’ils connaissent les foudres de l’enfer, ces salauds » .
Sarah Hubert-Marquez