Derrière les mots de Céline Guillaume . . .
Interview publiée le 4 décembre 2011 sur le site d’information locale infos-dijon.com
Mathieu Manière, le gérant de la boutique Ciel Rouge, a habitué désormais les dijonnais à recevoir régulièrement les auteurs du fantastique, pour ces vacances de Noël, il a décidé de nous faire un beau présent en accueillant la romancière Céline Guillaume. Le public pourra venir rencontrer celle qu’Amélie Nothomb appelle « La ravissante petite sorcière-Valkyrie des voyages au style wagnérien » le samedi 17 décembre de 14h à 19h pour une séance de dédicaces.
Le parcours artistique de Céline Guillaume est atypique ; d’abord destinée à devenir danseuse de ballet après 13 années de danse classique aux conservatoires nationaux de Rouen et de Versailles, des problèmes de santé l’ont conduit à prendre la plume avec un succès incontestable. Passionnée par l’histoire, elle obtient un DUTAE d’archéologie médiévale et s’installe dans le Morvan. Avec près d’une dizaine d’ouvrages Céline Guillaume est devenue la référence de l’écriture du médiéval fantastique en France.
Connue pour sa disponibilité auprès de ses lecteurs et son soutien aux jeunes auteurs, Céline Guillaume présentera ses ouvrages tous salués par la critique ; « La Perle d’Eternite et autres récits fantastiques » (Editions Lokomodo), « Le Serment de Cassandra » (Editions Lokomodo), « Le Ballet des âmes » (Editions du Riez), « La Litanie des Anges » (Editions Lokomodo)…
S.H-M : Dans vos ouvrages, il y a de nombreuses références à la danse et à la musique. Alors si votre écriture était une danse que choisiriez-vous ? Et pourquoi ?
Céline Guillaume : Sans conteste, la danse classique, cette discipline pleine de sacrifices, de rigueur et pourtant si fabuleuse de par sa grâce et son envolée artistique. Elle m’a et me fascine toujours autant, c’est une muse qui m’apporte inspiration et délicatesse de sentiments.
S.H-M : En restant sur ce thème, la danse était aussi un acte rituel sacré permettant de s’adresser au divin. En post-scriptum après votre roman « La Perle d’éternité », vous dévoilez un message fort à vos lecteurs ; « la vie ne se termine pas comme ça, pas comme une virgule, elle se poursuit dans un autre ailleurs, car l’Enfer est sur cette terre et le Paradis, derrière le voile de l’invisible… ». Alors la spiritualité, c’est pour vous un moyen de fuir la réalité ou plutôt de la sublimer ?
Céline Guillaume : La spiritualité ne me permet pas de fuir la réalité, si ardue et cruelle soit-elle. Elle m’aide à supporter l’existence et la magnifier, à chercher ce qui est infiniment bon dans l’être humain, à essayer de le comprendre avec ses faiblesses, ses failles. Être spirituelle, pour moi, c’est se pencher sur l’autre, l’épauler, le guider dans ce chemin qu’est la vie, un chemin tortueux qui tantôt nous rend plus fort, tantôt plus fragile et démuni. La spiritualité, c’est être à l’écoute de tout ce qui vit, tout ce qui respire, ici, maintenant, toujours et au-delà du visible…
S.H-M : Dans vos quatre romans, une force guide inexorablement vos personnages et les réunit. Vous abordez d’ailleurs à de nombreuses reprises le thème de la réincarnation. On ne peut s’empêcher de penser à « l’éternel retour » de Nietzsche[1]. Alors, il existerait selon vous une fatalité heureuse ?
Céline Guillaume : Chaque être humain a son sentier de vie tracé et d’après les Tables Akashiques, les archives de l’Univers, tout est noté du passé, du présent, de l’avenir, absolument tout, chacune de nos vies passées sur terre et chaque entité son propre livre contenant toutes ses vies. Et, l’être humain tourne, au quotidien les pages de ce « roman » personnel, mais lui ne connaît ni les peines ou les joies qu’il connaître. Bien présomptueux est donc celui qui affirme s’être « construit » seul…
S.H-M : Dans « Le Ballet des âmes » ou « La Perle d’éternité », Vous décrivez avec beaucoup de psychologie la complexité de la relation père-fille. La figure du père reste une référence majeure pour vos héroïnes. Pensez-vous que les femmes recherchent toujours ce premier amour dans leur vie sentimentale ?
Céline Guillaume : L’image du père est très présent pour une petite fille, c’est le premier homme qu’elle apprend à connaître, celui qu’elle voit depuis ses premières heures de vie, le père tout puissant, le père-roi et en grandissant, je pense qu’il y a toujours un peu de cette essence première, une recherche inconsciente de cet être protecteur, la sécurité et le réconfort. Dans le futur mari ou compagnon, la femme projette toujours un peu du premier homme qu’elle a aimé : son père.
S.H-M : Dans « La Litanie des Anges » ou « Le Serment de Cassandra », la promesse et l’engagement plus généralement sont des valeurs primordiales comme un clin d’œil à la féodalité et au fameux serment de fidélité qu’effectuaient les vassaux à leurs suzerains.
Transposer à notre époque où la parole est devenue plus inconsistante, peut-on dire que vous portez un regard nostalgique sur cette constatation ?
Céline Guillaume : Aucune nostalgie dans mon écriture ou mon raisonnement. Les siècles ont passé, immuablement, mais les époques ont-elles vraiment changé ? La mentalité humaine s’est-elle réellement bonifiée ? L’homme dans sa globalité reste animé par les mêmes pulsions, les mêmes avidités, la même soif de pouvoir, la possession dans toute sa splendeur, qu’elle soit de chair ou matérielle.
S.H-M : Les paysages bourguignons hantent vos textes comme ceux du Morvan dans « Le Serment de Cassandra » dans notre région avez-vous des lieux privilégiés ? Lesquels nous suggériez-vous d’aller visiter ?
Céline Guillaume : Sans faire un cours de géographie (sourire), la Bourgogne comprend quatre magnifiques départements aux paysage variés et éclectiques, il est difficile de choisir parmi mes préférences tant ma région d’adoption me fascine. Résidant sur les terres de la Nièvre, je citerai donc un seul lieu, sublime de par sa pureté végétale, son calme et qui attise mon imaginaire : le Mont Beuvray. D’ailleurs, un endroit fort chargé au niveau culturel avec son haut-lieu gaulois : Bibracte. Oui, ce haut Morvan envoûtant et mystérieux qui a donné naissance à mon prochain roman à paraître en 2012.
S.H-M : Pour finir sur une note plus légère, dans votre nouvelle « Les Flammes de l’au-delà » qui se déroule dans l’auberge « La Toison d’Or » à Dijon. On voit que l’alcool fait des ravages sur Léonie. Pensez-vous que les dijonnais aiment trop le bon vin ?
Céline Guillaume : Je ne me permettrai pas de juger les dijonnais, ni même les bourguignons en général. Notre région possède un patrimoine culinaire et œnologique formidable et enviable, pourquoi faudrait-il se priver de tant de bonnes choses ? (sourire)
Sarah Hubert-Marquez
[1] Concept du philosophe allemand Friedrich Nietzsche présenté dans son ouvrage « Ainsi parlait Zarathoustra » en ces termes : «Toutes les choses reviennent éternellement, et nous-mêmes avec elles. Tout s’en va, tout revient ; éternellement roule la roue de l’être. Tout meurt et tout refleurit, éternellement se déroule l’année de l’être.»