Les sorcières de Salem : Dans la peau d’Ann Putnam
Article paru dans le N°1 de la revue associative Freaks Corp. en octobre 2009.
C’est en 1692, que se déroule les procès des sorcières de Salem village (aujourd’hui Danvers) près de Boston dans le Massachusetts. Le bilan fut catastrophique pour ce qui reste le plus médiatique des procès de sorcellerie avec près de 300 personnes impliquées et 20 pendaisons (7 hommes et 13 femmes).
Afin de mieux comprendre la folie meurtrière qui s’empara de ses habitants, je vous invite à vivre de l’intérieur cette tragédie en imaginant les pensées d’une protagoniste de l’affaire de Salem : Ann Putnam juste après ses excuses publiques en 1706. A l’époque des faits Ann avait 12 ans.
« Je souhaite me mortifier devant Dieu (…); que j’ai, étant enfant, pu, par une telle providence divine, devenir l’instrument d’accusations de plusieurs personnes pour des crimes graves, par lesquelles leurs vies ont été emportées et alors que j’ai maintenant de justes et bonnes raisons de penser qu’il s’agissait de personnes innocentes(…) » C’est ainsi que je tente d’absoudre mes péchés après 14 années de honte là debout devant mon église et face à la communauté. Depuis cette diabolique année 1692, je marche la tête baissée coupable d’avoir envoyée 62 personnes aux pires tourments. Je pense surtout à la vieille Rébecca Nurse dont le visage me hante chaque nuits.
Tout à commencé avec mon amie Elizabeth Parris (9 ans) la fille du pasteur, elle nous avez invité chez elle pour écouter les récits vaudou de leur esclave Tituba. L’antillaise nous recevait chaleureusement à chaque une de nos visites dans sa cuisine. Il y avait là sa cousine Abigail Williams, Elizabeth Hubbard, Mercy Lewis, Susannah Sheldon, Mercy Short, Mary Warren et moi même.
Betty et Abigail s’entendirent pour accuser 3 femmes
qui ne manqueraient pas à la communauté (…)
Parfois Tituba nous lisait l’avenir dans le blanc d’un œuf au fond d’un verre. Ses histoires nous fascinaient. Betty et Abigail tombèrent malades les premières et eurent des comportements étranges convulsions et déchaînements verbaux dans une langue inconnue…Le médecin ne trouvant pas de trouble de santé déclara qu’elles étaient envoûtées. Betty et sa cousine nous avouèrent jouer à un jeu pour faire peur à leur famille. Et qu’elles s’amusaient beaucoup. Nous décidâmes moi et Elizabeth Hubbard de les imiter pour nous divertir aussi. Mais le père de Betty, le pasteur Samuel Parris, particulièrement méfiant, trouva un jour Tituba préparant un « gâteau des sorcières1 » pour nous guérir. Ce qui ne devait être qu’un jeu pris des proportions incroyables. Nos parents respectifs avaient été convoqués par le pasteur et le médecin. Ils décidèrent de nous faire parler.
Betty et Abigail s’entendirent pour accuser 3 femmes2 qui ne manqueraient pas à la communauté :Tituba, Sarah Good la mendiante folle que tous le monde détestait au village, et Sarah Osborne, une vieille femme, alitée, qui avait volé l’héritage de ses enfants pour son nouvel époux.
Pendant leur interrogatoire, Betty et Abigail se contorsionnèrent pour prouver qu’il s’agissait bien de sorcières. Mais Martha Corey éclata de rire en les voyant jouer la comédie. Contre toute attente, c’est alors que Tituba avoua : « Le diable est venu me trouver et m’a demandé de le servir ». Elle donna tous les détails et accusa les 2 autres femmes d’être dans le coup. Elle dit aussi qu’il y avait d’autres individus coupables dans les villages voisins. L’hystérie s’empara de tous persuadés que Satan rôdait dans les parages. Tituba venait d’ouvrir une porte infernale…
Accusations et arrestations s’enchaînent
A partir de cet instant, les accusations et les arrestations s’enchaînèrent, les prisons se remplirent progressivement. Mais la communauté alors assiégée par les Amérindiens et dépourvue de gouvernement légitime du attendre l’arrivée du gouverneur William Phibs fin mai 1692 pour débuter les procès. Sarah Osborne était déjà morte en prison et Sarah Good avait accouché d’une petite fille. Environ 80 personnes attendaient leur procès dans les geôles.
Moi même voyant ma famille constamment en litiges fonciers avec les familles Nurse et Porter, j’accusa le 19 Mars Mme Rébecca Nurse alors âgée de 71 ans d’infanticide puis Giles et Martha Corey, amis des Porter, de me hanter. Ainsi je m’assurais le soutien de mes parents et j’éliminais surtout Mme Corey qui nous avait démasqué.
Mais Mme Nurse apprenant que je l’avais dénoncé se montra particulièrement cynique et dit : « Je suis aussi innocente qu’une enfant à naître, mais sans doute le Seigneur a-t-il découvert en moi un péché dont je ne me suis pas repentie, pour m’éprouver ainsi dans mon grand âge. » Elle subit le 2 juin un examen physique devant un jury de femmes au cours duquel on découvrit sur son corps une marque du démon. J’étais alors persuadée de mener une mission divine. La providence me donnait raison.
Le Tribunal condamna Giles Corey à (…) l’écrasement par accumulation de pierre sur le corps.
Le procès contre Mme Nurse commença le 29 juin. J’étais soutenue par toute ma famille et Mr Parris. Mais la famille Nurse avait aussi un soutien important, une quarantaine d’habitants avaient signés une pétition en sa faveur. Le jury la déclara non coupable. Cependant Mme Hobbs accusée elle aussi murmura « Elle est des nôtres . » Corroborant mon accusation, cette nouvelle intervention divine fit que Mme Nurse fut reconnue coupable et fut pendue le 19 juillet au côté d’une de ses sœurs.
Le procès des Corey eu lieu en septembre, le fermier refusa de plaider coupable considérant le procès comme une mascarade. Le Tribunal le condamna à la « peine forte et dure » autrement dit l’écrasement par accumulation de pierres sur le corps. Giles Corey alors âgé de 80 ans résista 3 jours entiers avant de mourir le 19 septembre. Sa femme Martha sera pendue 3 jours plus tard.
Le cauchemar s’arrêta en octobre 1692 avec l’accusation de Lady Phibs, la propre femme du gouverneur. Celui-ci écrivit : « Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu’une personne innocente soit condamnée »
Il y a seulement 3 ans des indemnités furent versées aux héritiers des victimes. Ceux de Mme Nurse reçurent 25 Livres. Moi je tente d’effacer ma honte en élevant depuis la mort de mes parents en 1699 mes neuf frères et sœurs. Mais je ne cesse de me demander ce qu’est devenue Tituba. Savait –elle se qui allait se passer ?
Sarah Hubert-Marquez